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[À la roulotte de Pops,] je croisais souvent croisé        PICCOLO  [*].

[Il] paraissait dans la vingtaine à l’époque, mais ç’aurait aussi bien pu être 18 ou 35, allez savoir. Dreadlocks déconfits et verdâtres, humour caustique, tatouages en plein visage, tel un guerrier maori bien décidé à ne jamais retourner fonctionner normalement dans la civilisation bcbg. Intelligent et drôle, il fut à quelques reprises invité à la télé — qui, c’est bien connu, aime les pipoles de toutes sortes, y compris les pittoresques bibittes urbaines, le temps d’une émission de variétés. Nous causions, de temps en temps, de tout et de rien. Un jour, en partant, il me dit: «Toi, en tout cas, j’t’aime...» Puis, se retournant, il ajoute, pince sans rire: «Mais attention, là, c’est purement sexuel, hein!»

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Et puis, un jour, il n’y a pas très longtemps de cela, Piccolo est... parti. La vie, apparemment, lui était devenue trop lourde. Ou bien il avait fait le tour de la sienne et ne souhaitait pas voir vieillir ses tattoos. Des habitués qui le croisaient souvent sur son territoire, avenue du Mont-Royal entre Papineau et Messier, lui érigèrent un éphémère mémorial devant le gros Métro du coin: quelques photos racornies, des fleurs en plastique, un trognon de bougie éteinte.

 

Dérisoire monument, et pourtant tombeau d’aristocrate, de prince des sables mouvants, émouvant. Pavane risible et magnifique pour un infant défunt.

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En portant leurs morts en terre, les anciens Romains disaient: 

Sit vobis terra levis, «que la terre vous soit légère».

 

Que l’asphalte des rues sales et transversales

te le soit lui aussi, Piccolo.

[*]  Extrait de Confections. Je ne sais hélas pas à qui vont les crédits des deux photos de Piccolo. Celles-ci proviennent d'une page FaceBook: RIP Piccolo.

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