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La soupe paysanne italienne

aux champignons sauvages

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Il pleut — ou il neige — depuis trois jours. Le ciel est gris, il fait froid. En plus, le patron a été particulièrement insupportable ces derniers temps, la voiture a encore besoin de réparations, votre ordi fait des siennes et les journaux vous dépriment encore plus que de coutume. Vous rentrez à la maison, fourbu(e), et vous avez désespérément besoin de ce que les Anglo appellent comfort food — mais vous en avez un peu assez de la soupe Lipton poulet et nouilles ou du pudding au tapioca.

Eh bien voici LA solution de rechange.

Une soupe nourrissante et pleine de saveur qui sera comme une promesse d’été dans votre assiette — que dis-je, du soleil en capsule, de l’Italie à la louche, du réconfort coloré, savoureux et... plein de vitamines, en plus! Vous me faites confiance? Alors, on y va…

Cette minestrone aux champignons sauvages séchés n’est pas vraiment difficile à faire et peut s’accommoder de bien des variantes: ne vous gênez pas. Les quantités sont ici indiquées approximativement pour six convives, en entrée — mais ça vous fera bien sûr aussi une excellente soupe-repas, si le cœur vous en dit, et vous pourrez aussi en conserver les restes quelques jours au frigo. Celle-ci, hélas, se congèle difficilement, notamment à cause de la présence de pommes de terre — qui deviennent molasses une fois décongelées. En revanche, il y a un truc pour contourner cela : vous faites cuire les pommes de terre À PART, juste ce qu’il faut, au moment où vous servez la soupe, vous congelez le reste, une fois refroidi et, quand vous faites décongeler ultérieurement, vous faites de nouveau cuire des dés de pommes de terre à part, que vous ajoutez à la soupe au moment de la réchauffer. Et voilà le travail!

Il s’agit d’abord de faire tremper dans de l’eau tiède une petite poignée de champignons séchés (que l’on trouve de plus en plus facilement de nos jours dans les épiceries fines et même dans les grandes surfaces). La recette dont on m’a refilé le secret (comme les druides s’échangeaient les leurs sous le gui, autour des menhirs, des dolmens et des cromlechs…) est à base de porcini. Mais d’autres feront aussi l’affaire — bolets, cèpes ou morilles, par exemple, ou l’un de ces mélanges que l’on appelle souvent «forestiers». Évidemment, si vous vous adonnez vous-même à la cueillette des champignons dans les sous-bois, n’hésitez pas à utiliser le fruit de votre dernière récolte, en prenant toutefois bien soin d’éviter les amanites phalloïdes qui risqueraient aussi de vous laisser un souvenir impérissable — ma pas forcément celui que vous cherchiez… Si j’étais vous, j’oublierais aussi les champignons «magiques» que vous avez confisqués à votre ado, et dont vous ne savez trop que faire. (Euh... pour ça, vous pouvez toujours essayer de consulter Google — ou votre cousin qui n’est jamais tout à fait revenu de Woodstock ou de Katmandou...) Bref, porcini, bolets, cèpes, morilles, ou un savant mélange de quelques-uns d’entre eux.

Une vingtaine de minutes à l’eau tiède, vous essorez bien (dans un essuie-tout, par exemple) et vous hachez grossièrement. Vous filtrez également l’eau dans laquelle les champignons secs ont trempé en utilisant un linge (un coton à fromage, par exemple) dans un tamis ou une passoire, pour en éliminer les scories. Conservez précieusement le liquide brunâtre : nous allons nous en servir tout à l’heure.

Pendant que les champignons se réhydratent doucement dans leur bain tiède (ce qui vous fait incidemment penser que ce ne serait vraiment pas une mauvaise idée de vous en faire couler un pour vous-même!), vous faites chauffer un peu d’huile d’olive dans une poêle à fond épais et vous y faites rissoler une bonne douzaine de tranches de pancettagrossièrement coupées. La pancetta est une sorte de bacon italien dont les tranches sont rondes (ou, si vous préférez, le bacon est une manière de pancetta anglo-saxonne dont les tranches sont rectangulaires…) D’ailleurs, si vous ne trouvez pas de pancetta, utilisez du bacon, ça ira tout à fait. Faites rissoler un bon moment sans toutefois que la pancetta — ou le bacon — devienne complètement croustillante. Et, tandis qu’on y est, non, le fait d’utiliser un corps gras (ici, l’huile) pour faire dorer quelque chose qui l’est déjà par lui-même n’est pas une redondance pléonastique ou un caprice d’accro des lipides: ça facilite vraiment l’opération!

 

Vous égouttez les morceaux de pancetta sue du papier essuie-tout et vous les réservez un moment.

Puis, dans une casserole à bon fond assez grande, vous faites chauffer de nouveau un peu d’huile d’olive et vous y laissez attendrir, une dizaine de minutes :

- 1 oignon haché finement — et/ou — comme disent les technocrates et certains philosophes — un blanc de poireau en fines rondelles

- 2 ou 3 belles gousses d’ail dodues, également hachées

- 2 ou 3 carottes moyennes coupées en rondelles ou en dés

- 1 ou 2 branches de céleri coupées en dés (quoique, avec le céleri, les dés ont plutôt tendance à ressembler à des quartiers de lune...)

- environ 1 tasse de pommes de terre elles aussi coupées en dés (à moins que vous suiviez le truc donné plus haut, si vous prévoyez congeler une part de la minestrone).

On peut aussi ajouter un beau bulbe de fenouil coupé en petits dés — mais le goût du fenouil est assez marqué, il vaut donc mieux que vous soyez sûr d’aimer sa présence. Sinon, vous ajouterez, plus tard, un peu plus de chou.

Une dizaine de minutes, donc, à feu doux, en brassant de temps en temps pour que ça ne colle pas, le temps de ramollir les légumes et d’accroître leur saveur dans l’huile. Salez, poivrez, parfumez de thym ou d’une généreuse pincée d’herbes de Provence. Par acquit de conscience, je signale que la recette que l’on m’a transmise (de bouche de druide à oreille de druide...) prévoyait, à ce stade, une petite demi c. à thé de sauge moulue, mais… mon peu d’attirance personnelle pour la sauge (que je trouve à vrai dire plus appropriée pour brûler dans les rituels chamaniques!) m’amène aussi à vous laisser la responsabilité de ce choix… De toute façon, hein, en cuisine, vous faites bien ce que vous voulez ! ! !

 

Une fois les légumes ramollis, vous ajoutez

- la pancetta dorée (que vous aviez réservée)

- environ 4 tasses (un litre) de bouillon de poulet ou de légumes, fait maison si vous en avez, commercial, sinon, à la rigueur, ça pourrait même être tout simplement de l’eau — vous assaisonnerez un peu plus, au besoin, si le goût vous semblait un peu fade

- une boîte (genre 1 litre — plus ou moins 28 onces) de tomates italiennes hachées ou concassées,

- 1 c. à table de vinaigre de vin rouge

- puis les champignons que vous avez fait tremper et leur liquide filtré.

À feu doux, juste pour que ça mijote tout doucement, vous laissez une vingtaine de minutes.

Puis, vous ajoutez encore

- une boîte (plus ou moins 500 ou 600 ml) de haricots blancs (ou, mieux encore selon moi, romains — vous savez, ceux qui sont un peu marbrés de rouge et de blanc) et

- 4 ou 5 tasses (selon que vous aurez utilisé ou non le fenouil) de choux frisé, ou encore de choux cavalier(ou collard) haché finement. À la rigueur, le chou ordinaire peut faire l’affaire (la première fois que j’ai essayé cette recette, je n’en avais d’ailleurs pas d’autre sous la main!), quoiqu’il n’ait ni la finesse ni la belle couleur verte du choux frisé ou du chou cavalier. Combien de temps? Jusqu’à ce que le chou soit tendre sans être réduit en bouillie. 15-20 minutes? Goûtez, c’est encore le meilleur moyen d’être sûr…

Voilà. La soupe, en gros, est prête. Rectifiez l’assaisonnement en sel et poivre, au besoin et au goût. Vous pouvez la conserver au frigo, après l’avoir laissée refroidir — par exemple, si vous la préparez la veille pour le lendemain.

 

MAIS…

Mais il y a moyen d’aller encore un peu plus loin sur la douce pente du réconfort moral (pour ne pas dire de la délicieuse décadence culinaire...) — de toute façon, il fait tellement mauvais dehors que vous n’avez absolument aucune tentation d’aller vous y balader, et vous rendez d’ailleurs grâce au ciel d’avoir des chats — plutôt que des chiens qu’il vous faudrait accompagner sous la flotte pour leurs petits et gros besoins de la soirée…

Versez doucement la soupe dans un plat creux allant au four et muni d’un couvercle (en pyrex, par exemple) — ou encore dans des petits bols individuels de porcelaine ou de céramique que l’on utilise pour la soupe à l’oignon gratinée, munis de couvercles. Déposez-y des tranches de pain épaisses et un peu rassis (c’est mieux que le pain frais), faites généreusement neiger du parmesan râpé, couvrez et laissez cuire une trentaine de minutes au four que vous aurez préalablement fait chauffer à 350 F (180 C). Découvrez ensuite le ou les bols, et terminez la cuisson à découvert jusqu’à ce que la soupe bouillonne, que le fromage soit doré et que vous vous sentiez envahi(e) par l’irrépressible désir d’y plonger votre cuiller…

J’allais ajouter que c’est bien sûr une excellente idée d’accompagner cette soupe costaude et rustique de pain de campagne croustillant (n’hésitez pas à le saucer dans l’huile d’olive — ça, c’est aussi bon pour vos artères que pour votre moral!) et d’une bonne bouteille de valpolicella ou de trebbiano qui achèvera de vous réconcilier avec la vie. Mais… je suis persuadé que vous y aviez déjà pensé par vous-même!

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