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Le cassoulet

— ou binnes françaises

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les encyclopédies culinaires vous le serineront jusqu’à plus soif, relayées de nos jours par les Wiki-Ricardo et autres cyber-livres de recettes : trois villes du sud-ouest de la France se disputent LA seule, unique et véritable recette de cassoulet : Toulouse, Carcassonne et Castelnaudary. Et que les ceusses de Pau, de Narbonne, de Montauban, de Montpelier, de Perpignan, de Béziers — ou, si ça se trouve, de Montastruc-la-Conseillère ou de Villefranche-de-Lauragais — aillent se faire cuire un œuf. Même que, selon certains puristes, le cassoulet de Castelnaudary (à moins que ce soit celui de Carcassone?) ne serait au-then-ti-queuh que si, enrichi au confit de perdrix rouge et de saucisse de Tarascon, il avait mijoté toute une nuit dans un four de boulanger un peu cocu aux entournures, chauffé avec des ajoncs de la Montagne Noire, dans une assole en terre vernissée héritée en ligne diagonale de la fesse gauche de Gaston Phébus.

 

Foutaises et billevesées que tout cela, prétentions cocardières et calembredaines chauvines. (Vous savez d’ailleurs ce qu’ils leur disent, les ceusses de Pau, de Narbonne de Montauban et d’ailleurs, aux ceusses de Toulouse, de Carcassonne et de Castelnaudary, hein, vous le savez??? Très bien, très bien, je vois que... vous avez deviné!)

Alors je te soumets respectueusement, cher lecteur et non moins précieuse lectrice, qu’il existe une seule, authentique, véritable, et irrésistible recette de cassoulet — qui, en plus, est évidemment la meilleure du monde: celle que, en suivant mes modestes suggestions, tu mettras toi-même au point si tu me fais confiance. (Je me permets le tutoiement étant donné que nous nous apprêtons à ... adresser ensemble, comme ils disent à TVA, cette dramatique problématique au niveau du 110% que nous allons donner...)

Qu’est-ce donc que le cassoulet? Un compatriote québécois en a déjà donné une définition qui ne manquait pas de justesse, à défaut d’être très... raffinée: le cassoulet? ben... c’est des binnes françaises, non?

À la base, il s’agit effectivement d’un ragout de haricots blancs longuement mijoté, et enrichi de diverses viandes — lorsque les paysans pauvres du coin en trouvaient à se mettre sous la dent : mouton, cochon, sanglier, oie, perdrix, bécassine ou canard, saucisson de diverses concoctions, d’âne ou de rat musclé — l’important, c’est de bien assaisonner, quoi... 

On voit déjà s’ouvrir ici — non? — la grande liberté des enfants du bon Dieu, dont on sait au moins depuis Michel Audiard qu’il ne faut pas leur prendre les jarrets pour des cuisses de canards sauvages — même confites.

On dira bien sûr, dans les recettes sérieuses-et-officielles, qu’il faut faire tremper les haricots toute la nuit et, le lendemain matin, les faire cuire lentement avec un demi-oignon doux de Nîme piqué de trois clous de girofle, deux gousses d’ail violet cultivé sur les premiers contreforts des Cévennes et un bouquet garni avec du thym que les abeilles butinent pour en faire le miel de Narbonne, de la grisette de Montpellier et du serpolet ramassé un soir de pleine lune sur une plage des Saintes-Maries, dans de l’eau puisée à même une aiguière d’argent à la Source de la Dame là où, au temps jadis, Aliénor d’Aquitaine donnait rendez-vous à ses galants pour jouer à Quelques Arpents de Piège.

 

Bon... Si tu en as la patience et l’obsessivité, camarade, nous en serons tous admiratifs mais... je suggère pour ma part d’utiliser des haricots blancs cuits, de bonne marque, en boîte, rincés, avec une bonne grosse cuiller à soupe d’herbes salées du Bas-du-Fleuve pour bouquetgarnir. 

Je sais, je sais. On en a trucidé pour moins que cela à la cuiller à pot, achevés à coups de figues molles. Je sais. Mais vous savez ce que je leur dis, moi, aux ceusses de... Oui, d’accord, d’accord, je vois que vous savez. Alors...

Je suggère tout de même d’utiliser au moins deux viandes, agneau et porc à ragoût (en cubes), un beau saucisson à cuire (genre Morteaux, ou 2-3 belles saucisses (de Toulouse, té!) — piquées à la pointe d’un couteau, pour laisser s’en échapper le gras) et, si on en a la possibilité, quelques morceaux de confits de canard (ou de pintade — c’est plus petit, ça prend donc un peu moins de place dans la cassole. On en trouve de plus en plus facilement dans les bonnes épiceries, à moins bien sûr qu’on l’ait confectionné soi-même. On aura déjà compris, bien sûr, qu’il ne s’agit évidemment pas de la recette qui fera baisser la facture-bouffe, cette semaine-là. Ni, ça se trouve, le taux de cholestérol. Mais bon, un petit cassoulet deux fois par décennie, ça devrait pouvoir se budgéter sur un plan quinquennal, que Diable, et s’expliquer à son médecin de famille!!!

*

Il s’agit en premier lieu de faire dorer — au four ou à la poêle — les cubes de porc et d’agneau. On assaisonne de sel, de poivre et d’un peu de piment d’Espelette. Une fois cela fait (en 2-3 fois, si nécessaire : il ne faut jamais empiler les cubes de viande dans une poêle comme des sardines dans une boîte de conserve), il faut bien dorer toutes les faces, et un cube en a généralement six. On réserve, et on fait revenir à l’huile d’olive 1 ou 2 oignons hachés finement, auxquels on ajoutera 3 ou 4 belles gousses d’ail pelé, dégermé et haché quand les oignons sont devenus translucides, et juste avant d’incorporer 4-5 c. à soupe de pâte de tomate (en boîte ou en tube). Allez, peut-être 6 ou 7, ça donne du goût, du rythme et de la couleur. On remue, on hume, on rectifie au besoin l’assaisonnement — et on remet les viandes rissolées dans ce mélange.

Qu’est-ce qu’il veut dire le monsieur par «réserver», entend-on dans la salle?

Eh bien, euh... ça veut dire qu’on met de côté, dans une assiette, un petit cul de poule, un toppeurouère, n’importe quoi, quoi, jusqu’au prochain paragraphe. Ça va refroidir un peu — oui, bon. Pas grave, on va se reprendre.

Dans une grande cocotte de terre (ou, sinon, de fer), on dépose une couche de haricots, puis une couche du mélange porc-agneau-saucisson, puis un peu du mélange pâte de tomate-oignons-ail. Et on recommence, en finissant par les morceaux de confits de canard ou de pintade (idéalement, une cuisse par convive) que l’on recouvre d’une dernière couche de haricots. On verse du bouillon jusqu’à hauteur — volaille ou légumes, au goût.

Traditionnellement, on recouvre la surface d’une bonne couche de chapelure qui, en cuisant, formera une croûte et permettra au cassoulet de cuire lentement en mariant les saveurs de tous ses ingrédients. 

Traditionnellement, encore, on tapissait le fond et les parois de la cassole de couennes de lard gras et on versait aussi sur le tout un litre ou deux de graisse de canard fondue ou de saindoux dégoulinant. Mais bon, on est arrivé au 21e siècle, on ne laboure plus la terre à mains nues 18 heures par jour, et on a, depuis, inventé le cholestérol. Alors...

On laisse mijoter le tout 3, 4 ou 5 heures à four doux (250—275 F) — à moins que l’on préfère le four à bois de son chalet de Haute-Mauricie chauffé avec des brassées de quenouilles du Lac Noir ou de la rouche de bleuets sauvages, lô lô...

Traditionnellement, les cassoles n’ont pas de couvercle, donc, on ne couvre pas le cassoulet pendant sa cuisson. Vu les performances de nos fours maûdernes, je suggère cependant de le couvrir pour la plus grande partie de celle-ci (couvercle ou papier d’alu) et de découvrir ½ heure ou 1 heure avant de servir pour faire bien dorer la surface sans assécher ou cramer le tout.

 

Il va sans dire que l’on servira directement de la cassoulet fumante sur la table — et qu’on aura prévu une entrée légère et un dessert minimaliste — mais autre chose, quand même, qu’un petit rouge léger. Garde donc, lecteurE, ton beaujolais nouveau pour la mi-novembre et opte plutôt, ici, pour un viril cahors ou un féministe madiran. Et / ou.

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Récapitulons donc les ingrédients (ce qui devrait largement nourrir quatre bons mangeurs et vous en laisser pour un petit repas de semaine...) :

 

- entre 1 ½ livre et 1 kg (+ ou -) de porc à ragoût (en cubes)

- entre 1 ½ livre et 1 kg (+ ou -) d’agneau à ragoût (en cubes)

- 1 saucisson à cuire et/ou deux saucisses de Toulouse

- 4 cuisses de canard ou de pintade confites

- 3-4 boîtes de haricots blancs cuits

- 3-4 c. à soupe de pâte de tomate

- chapelure

- sel, poivre, herbes de Provence ou du Bas-du-Fleuve, piment d’Espelette

- bouillon (volaille ou légumes) : un bon litre, que l’on peut éventuellement allonger à l’eau

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