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Préface à Sidange de

Jean-Gilles Godin

 

 

 

JEAN-GILLES,


notre bel et douloureux ami Jean-Gilles,


nous a quittés pour son rendez-vous avec l'Ange.

 

À une autre époque, nous aurions sans doute

assez volontiers considéré cela comme

un honneur et une bénédiction,

-- comme une grâce.

De nos jours, nous ne savons plus très bien.

À vrai dire, nous ne savons plus très bien

omment dealer avec les anges...

Alors, nous sommes souvent assez terrorisés

par la perspective de leur rencontre.

Nous l'esquivons avec un sourire sceptique

— ou embarrassé.

 

« Les anges? Mais... de quoi parlez-vous donc?... »

 

Cet Ange, pourtant,

avant de le rencontrer comme en un face-à-face amoureux, il faut — car «tout ange est terrible» — se battre avec lui.

 

Étrangement, oui: plutôt avec lui que contre lui.

 

Comme Jacob, selon le vieux récit de la Genèse:

 

Et l'Ange lutta avec Jacob jusqu'à l'aurore.

Voyant qu'il ne le maîtrisait pas, il le frappa à la hanche.

Et la hanche de Jacob se démit pendant qu'il luttait avec lui.

L'Ange dit: «Lâche-moi car l'aurore est levée»,

mais Jacob répondit:

«Je ne te lâcherai pas avant que tu ne m'aies béni».

(...)

Alors Jacob fit cette demande: Révèle-moi ton nom, je te prie.

L'autre répondit: « Et pourquoi me demandes-tu mon nom? »

Et là même, il le bénit.

Et, au lever du soleil, Jacob boîtait de la hanche...

 

*

 

Étranges traverses de sens entre les langues — bénir, bless, blessure -- qui nous révèle peut-être le lien caché entre les mots.

 

«Au matin, l'Ange le bénit».

 

C'est-à-dire, aussi, il le blessa.

Car, si «tout ange est terrible», toute bénédiction est forcément aussi blessure...

 

*

 

Jean-Gilles, blessé par l'Ange, s'est battu avec lui pendant une longue et douloureuse nuit.

 

Avec des larmes de colère, avec des caresses et des chuchotements d'espoir, avec des rêves, avec des mots.

 

Avec ces mots que voici.

Abrupts, durs, tendres, naïfs, agressifs, ironiques, profonds, choquants, injustes, généreux, désarmants.

 

Comme la vie.

 

Ces mots, il me les avait remis, un jour, sur une disquette -- il faut croire qu'on n'arrête pas le progrès! --, un peu comme le Michel Wiener de La passante du Sans-Souci qui, traqué par la Gestapo, remet une liasse de billets à un inconnu dans le train, pour sa femme, exilée à Paris: Romy Schneider, dans son dernier rôle -- peut-être le plus beau malgré les poches sous les yeux. Mais tellement, tellement plus belle que la Sissi des cartes postales...

Qu'en faire, maintenant?

Quelques proches, consultés, étaient du même avis: Jean-Gilles aurait sans doute aimé que nous les écoutions, en ce jour où nous venons l'accompagner jusqu'à la frontière, pour son dernier voyage.

Afin que, peut-être, sur leur trace -- sur sa trace --, nous méditions à notre propre combat avec l'Ange.

 

Ces textes, Jean-Gilles aurait possiblement souhaité les retravailler un peu s'il en avait eu le temps, l'énergie.

Mais les anges n'attendent pas...

Rien, donc, n'y a été retouché.

Les mots de Jean-Gilles sont assez grands pour raconter tout seuls ses batailles.

 

Il s'agissait seulement de choisir un titre et une illustration.

Le titre est venu comme ça, terrible et beau, provocant comme une vertigineuse évidence — double, indissociable.

 

Sans doute aurait-il aussi pu être au pluriel — Sidanges.

 

Car si l'Ange de la possession est souvent Légion, celui de la bénédiction est, lui aussi, Plusieurs.

Et celui qui se livre à nous dans ces pages n'a pas qu'un seul visage: il y est tour à tour ange noir et ange de lumière, loup blessé, chevalier sans peur et sans reproche, enfant fragile, effrayé dans le noir...

Et plusieurs d'entre nous ne sont-ils pas également de sa race?

 

L'illustration de couverture reproduit pour sa part une fresque célèbre au plafond d'une vieille église médiévale de Gondar, au nord l'Éthiopie:

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

plafond de l'église Debre Berhan Sélassié — «Lumière de la Trinité»

Curieux petits anges éthiopiens, si uniques en leur genre: ni solennels comme les anges des icônes byzantines, ni bleu pastel ou rose bonbon comme ceux des cahiers de notre enfance, ni déliquescents ou perversement sexy — comme dans les fantasmes post-modernes...

 

Just plain angels.

Avec des boucles sombres et des moues de gamins espiègles, des ailes pour être libres et de grands yeux irrésistibles, — des yeux immenses pour voir encore plus loin.

Pour voir, peut-être, ce qu'on ne voit pas toujours très bien de ce côté-ci de la vie.

 

Comme Jean-Gilles, maintenant.

Comme le désir de Jean-Gilles, enfin.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

SIDANGE 
 (extraits)

 

 

LE FAGOT DE DIEU

(à Gilles de Rais)

 

Sur mon cheval blanc, m'en revenant de guerre,

Je suis rentré hier en mon château éteint.

Le monstre du marais semant la terreur sur mes terres,

Avait laissé fumants mes cadavres anciens.

 

Je suis un fagot, comme là-bas ils disent,

Que lentement sa colère achève de consumer.

Renonçant à la peur, au désespoir, à la sottise,

Mon coeur à son ardent désir fut à jamais lié.

 

Depuis mille fois mille ans, volant seules dans la nuit,

Des sorcières en secret m'ont porté sur leur dos.

Mon coeur mis en déroute, mes armées là-bas, ont fui,

Tout au fond du ravin, dans le grand coffre clos.

 

Seigneur, montre-leur enfin ta face,

Ouvre mes ailes. Fais de moi un papillon.

Délie mon âme. Que j'efface enfin la trace

Du bûcher douloureux qui lui tint lieu de cocon.

 

Sur mon front, pose la flamme ! Rallie tous mes compagnons!

 

Que l'accord de nos coeurs réunisse ce qui longtemps fut séparé

Et rende aux yeux visible ce que la main impie avait dissimulé.

 

Chaque fois que vos peurs m'ont mené au bûcher,

C'est l'amour de Dieu en vous que vous avez brûlé.

 

J'abandonnerai ma vie pour un moment de vérité,

A mes yeux plus précieux que des siècles de mensonges.

 

Je suis Golem.

Je suis né, moi aussi, dans le désir de Dieu.

 

 

CHOEUR DIVIN

 

Mon âme,

Renonce à l'arrogance, à la raison, à la violence,

Au pouvoir tyrannique, à la mortelle ambition.

Abandonne-toi à sa puissance, à ta foi, ton espérance,

Immunisée à jamais dans la vérité de ta passion.

 

Ange,

Ton esprit, à ma colère si charitable,

Enfante un désir célébrant sa lumière.

Ravie, mon âme repose en paix sur son étoile,

Jérusalem libérée d'un long séjour en enfer.

 

Ames de ce temps, entendez mon délire,

D'un désir de Dieu qui nous est un besoin.

C'est sa grâce enfin qui nous délivre,

Ouvrant pour nous les portes de son choeur divin.

 

 

MES DERNIERES VOLONTÉS

 

Si je meure, je veux qu'on me brûle.

Je veux m'envoler en fumée.

C'est ma première volonté.

 

Si je meure, je veux qu'on m'oublie.

Comme on oublie un pet qui nous a longtemps empesté.

C'est ma deuxième volonté.

 

Si je meure, je veux qu'on prie pour moi.

Surtout ne croyez plus à ce que vous pensez de moi.

C'est ma troisième volonté.

 

Je n'ai pas de dernière volonté.

Je suis vivant et peux encore vouloir!

 

WAKE UP PRAYER

 

Oh God ! Help me ! Make me change ! What I want to do is hope !

No more shit. No body fluids exchange. I am sick of shooting dope.

All my life, my blood never gave a shit about their fucking reality.

Now, the words come to me. Is it your spirit ?

Is it what they call creativity ?

 

An angel woke me up from the dream.

What am I going to do about the sleepy ?

They said it was an assault on my brain.

Thank you God for assaulting me.

Anytime, you feel the urge, go ahead, feel free.

But next time, please, prevent me !

If I tell them my story. I know them.

They will say again, I am crazy.

 

(God)

 

Tell them anyway. Tell them. Let them say.

And find yourself a hammer like Peter, Paul and Mary.

 

 

 

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Voir la vidéo-hommage du Syndicats

des chargées et chargés de cours de

l'UQAM  —    dont Jean-Gilles Godin

fut vice-président

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